Mise en place des « cités éducatives » : une nouvelle conception de l’éducation prioritaire ?
Jean-Michel Blanquer, le ministre de l’éducation, et Julien Denormandie, ont annoncé jeudi 5 septembre la liste des 80 quartiers labellisés « cités éducatives ».
Mesure-phare du rapport Borloo sur la politique de la Ville, les « cités éducatives » visent à intensifier la prise en charge scolaire et périscolaire dans certains quartiers défavorisés (des enfants à partir de 3 ans et des jeunes jusqu’à 25 ans).
Sous l’égide d’un principal de collège, la « cité éducative » regroupe le collège, les écoles pré-élémentaires et élémentaires et les lieux culturels, associatifs. Selon le ministère, l’objectif est de « mieux coordonner et renforcer les dispositifs existants » (scolarisation obligatoire dès 3 ans, dédoublement des classes, dispositif « devoirs faits », petits-déjeuners à l’école…).
Les cités éducatives bénéficieraient d’un « programme de réussite éducative » renforcé (PRE+) auquel pourrait être affectée une partie de la dotation horaire des enseignants réservée à la concertation en REP +. Les cités éducatives devraient développer les partenariats avec les Cordées de la réussite et les actions de parrainage vers l’emploi.
Les quartiers intégrés dans ce programme bénéficieront en outre d’une enveloppe de 34 millions d’euros par an attribués par le ministère de la Ville.
Le label vise, en priorité, les grands quartiers prioritaires « de plus de 5.000 habitants » qui connaissent des « dysfonctionnements urbains importants » et sans mixité scolaire.
Au total, plus de 130 collectivités ont envoyé leur candidature aux deux ministères afin de bénéficier du label. 80 zones sensibles de métropole et d’Outre-mer ont finalement reçu ce label, attribué aux territoires « qui montrent leur détermination à faire de l’éducation une grande priorité partagée ». Pour notre académie, sont concernés les quartiers suivants :
- Avignon (Monclar-Champfleury-Rocade Sud-Barbière-Croix des oiseaux-Quartiers Nord Est)
- Marseille 13e (Malpassé Corot)
- Marseille 15e, 16e (La Castellane-La Bricarde-Plan D’Aou-Saint Antoine)
- Marseille 3e, 1er, 2e, 14e, 6e, 15e (Centre ville-Canet-Arnavaux-Jean Jaurès)
- Port-de-Bouc (Les Comtes)
La sélection des territoires labellisés ne repose pas sur des indicateurs socio-économiques transparents, mais sur la rédaction par les collectivités candidates d’un avant-projet destiné à présenter le diagnostic initial, le pilotage proposé, et les indicateurs de suivi et de résultat.
Ainsi, ces « cités éducatives », loin de donner les moyens nécessaires aux établissements qui en ont besoin, dépendent du volontarisme des élus locaux et font la part belle au dogme autonomie/performance/contractualisation ».
Avec le PRE+ (« programme de réussite éducative » renforcé), la cité éducative devient une nouvelle école du socle avec comme ambition les actions de parrainage par l’emploi, à mettre en lien avec le développement de l’apprentissage.
Le pilotage de ces cités éducatives et l’absence des lycées montrent bien que l’ambition est de restreindre leur périmètre au collège dans la continuité des écoles du socle et du pilotage des réseaux de l’éducation prioritaire avec une multiplicité de comités de pilotage où les personnels enseignants et d’éducation sont peu ou pas représentés.
À l’heure où le ministère annonce une refonte de la politique de l’éducation prioritaire, la mise en place de ce label sur une soixantaine de sites, en lien avec les seuls REP+ résonne avec le rapport de la Cour des comptes de réduire le périmètre de la carte de l’éducation prioritaire aux seuls REP+, et donc la sortie de la majorité des collèges de l’Education prioritaire avec la suppression de l’indemnité pour les personnels et des dotations pour les établissements !