Angelique Schaller – Journal La Marseillaise
La foire aux beaux discours. Mercredi, la ministre de l’Education Najat Vallaud-Belkacem a présenté la nouvelle carte de l’Education prioritaire. Si les informations sur les « entrants » (200) et les « sortants » (200) circulent depuis le début de la semaine, la présentation officielle a été l’occasion d’enrober le tout de phrases passe partout. Qui en effet pourrait être contre « un système plus efficace et plus juste » ? Qui pourrait regimber contre « davantage de justice sociale » ? Qui voudrait s’insurger contre un objectif qui vise « réduire de moitié les écarts de réussite scolaire entre les élèves de l’éducation prioritaire et les autres élèves de France » ?
Tout ces jolis termes au service de quoi, donc ? De la réforme d’un système qui « depuis sa création n’avait fait l’objet d’aucune révision globale » assure la ministre, passant un peu vite sur les Réseaux d’Education Prioritaire mis en place par Ségolène Royal en 1999, les créations de RAR (Réseaux ambition réussite) et autres RES (Réseaux de réussite scolaire) de Gilles de Robien en 2006 ou encore le label Clair (Collèges, lycées pour l’ambition et la réussite) de Luc Chatel en 2010 qui, tous, ambitionnaient de « révolutionner » l’éducation prioritaire pour obtenir – enfin – des résultats dignes de ce nom.
L’obsession du fraudeur
Najat Vallaud-Belkacem s’attaque, elle, ou plutôt dans la foulée d’un chantier entamé par Vincent Peillon à Marseille, au… mode de calcul. Désormais des critères territoriaux (au nombre de 15) seront croisés à des indicateurs sociaux (part d’élèves dont les parents ont des petits revenus, ayant des bourses…). Une méthode « scientifique » qui a pour première vertu de faire sortir les « profiteurs » du dispositif. Car, ici comme ailleurs, ce gouvernement a l’obsession du fraudeur.
De quoi profitent ces heureux bénéficiaires du classement en éducation prioritaire ? De plus d’enseignants, plus de temps pour travailler en équipe, plus de formation supplémentaire, de moins d’élèves par classes, plus de contrats aidés, plus de personnels infirmiers et social, de crédits pour mener à bien des projets… Sur le papier.
Ce « plus » est un leitmotiv depuis le début de l’éducation prioritaire. Avec des variantes : du « donner plus à ceux qui ont moins » d’Alain Savary à « plus de moyens pour ceux qui en ont le plus besoin » de Najet Vallaud-Belkacem en passant par « vraiment plus à ceux qui en ont vraiment besoin » de Gilles de Robien. Mais dans les faits ? Le sociologue Choukri Ben Ayed a eu le courage de le dire, parlant même de « mythologie institutionnelle » : dans les faits : cela ne suit pas. Etudiant des études de l’Insee et un rapport de la cour des comptes, il en arrive à la conclusion que « l’éducation prioritaire n’est en rien prioritaire, et que loin d’être sur dotée, elle serait en réalité sous dotée ! ».
Autre « mythologie », l’oreille attentive du ministère pour ses soldats républicains. La seule reconnaissance accordée aux enseignants est une prime. Plus 100% clame en gros et en gras le document de présentation, pour les profs des établissements les plus difficiles. Soit 200 euros de plus par mois et même pas en salaire. Une maigre carotte pour des enseignants qui sont parmi les plus mal payés en Europe. Le reste ? Un leurre. Des heures pour le travail collectif comme le demande le terrain depuis des années ? Dans les expérimentations déjà conduites, les syndicats ont dénoncé un détournement de ces heures par les directions d’établissement pour régler les affaires en cours.
De la formation supplémentaire ? Aucun budget n’a été prévu pour les intervenants. Et que dire des tâches administratives sous lesquelles les enseignants se cessent de crouler ? Rien n’a été revu. Quid enfin de « l’oubli » des lycées dans le dispositif ? Le processus serait remis à l’an prochain. A croire que le ministère s’est rappelé que l’école n’était obligatoire que jusqu’à 16 ans et qu’au-delà, l’ambition n’était pas… prioritaire.