Le Recteur s’est adressé aux maires des départements de l’Académie Aix-Marseille. (lettre en fin d’article)

L’Intersyndicale de l’Éducation des Alpes de Haute Provence lui répond dans une lettre ouverte afin de reposer le cadre de la critique faite à la loi dite « Ecole de la confiance ».

 

Lettre ouverte à Monsieur le Recteur de l’Académie d’Aix-Marseille.

Monsieur le Recteur,

Ayant eu connaissance de votre courrier aux Maires des quatre départements de notre académie concernant le projet de loi «pour une école de la confiance», nous tenons à apporter quelques commentaires à vos éclaircissements.

Avant tout, nous voulons saluer votre soutien volontariste et effectif à l’école rurale mis en avant à juste titre dans votre courrier. D’autant que cet arbitrage n’a pas toujours été le choix fait par vos prédécesseurs. Ce n’est pas, non plus, celui  de  vos homologues dans d’autres académies. La ruralité paye le prix fort des dédoublements des CP et CE1 en REP dans la majorité des départements à la prochaine rentrée. Pour rappel : la dotation de +110 postes pour notre académie ne couvre pas le nombre de postes nécessaires à la totalité des dédoublements de classes. À noter également : la priorité au primaire mise en avant par le Ministère se fait au prix de fortes amputations dans le second degré.

Concernant le coût de l’abaissement de l’âge de la scolarité obligatoire à 3 ans, l’estimation que vous donnez du coût du financement du privé nous semble être une estimation basse. D’autres calculs avancent un montant de 150 millions d’euros. Abstraction faite de la bataille de chiffres, le cadeau au privé reste patent.

L’augmentation de 300 postes supplémentaires au concours d’entrée pour l’enseignement privé alors que six académies voient leur nombre de postes au concours du public divisé par deux, dans la poursuite d’une baisse importante et continue depuis 2017, va dans le sens de ces cadeaux que nous dénonçons.

À propos de la mise en place des EPSF de nombreuses interprétations du texte de loi circulent en effet, vous adressez aux maires dans votre courrier celle que le Ministre tente de faire valoir dans l’opinion.

Nous nous en tiendrons au texte de la loi :

« Art. L. 421-19-19. – Les établissements publics des savoirs fondamentaux sont dirigés par un chef d’établissement qui exerce simultanément les compétences attribuées au directeur d’école par l’article L. 411‑1 et les compétences attribuées au chef d’établissement par l’article L. 421‑3. Un ou plusieurs chefs d’établissement adjoints, dont un au moins est en charge des classes du premier degré, exercent aux côtés du chef d’établissement. Ce chef d’établissement adjoint, en charge du premier degré, est issu du premier degré. Les modalités de son recrutement sont fixées par décret. »

Ce texte acte donc bien, sans aucune ambigüité, la disparition de la direction d’école dont la compétence est transférée au Chef d’Établissement.

Rien dans le texte de loi ne définit ni ne garantit un droit de veto des conseils d’écoles qui disparaîtront pour se fondre dans le conseil d’administration du collège.

« Après avis de l’autorité de l’État compétente en matière d’éducation, ces établissements sont créés par arrêté du représentant de l’État dans le département sur proposition conjointe des collectivités territoriales ou établissements publics de coopération intercommunale de rattachement du collège et des écoles concernés, après conclusion d’une convention entre ces collectivités. »

« Art. L. 421-19-20. – L’établissement est administré par un conseil d’administration qui exerce les compétences définies à l’article L. 421-4. La composition de ce conseil d’administration est fixée par décret et permet notamment la représentation des personnels du premier degré et des communes ou établissements publics de coopération intercommunale parties à la convention. »

Les modalités d’applications sont renvoyées à un décret ultérieur. Vous comprendrez aisément que de simples engagements oraux de la part du Ministre de l’Éducation Nationale ne peuvent suffire à balayer les inquiétudes et les méfiances légitimes. Nous avons compris qu’avec ce gouvernement les promesses n’engagent que ceux qui y croient.

Pour être tout à fait exhaustif, il est nécessaire de préciser que dans certaines académies (Rennes par exemple), la généralisation de ce modèle d’organisation scolaire est déjà programmée avec mise en place dès la rentrée prochaine. C’est une accélération du glissement vers une territorialisation de l’éducation et la disparition du cadre national dans le mode de gouvernance, contre lesquelles  nous nous opposons.

 

Concernant l’article 14 sur la formation initiale :

« Les assistants d’éducation inscrits dans une formation dispensée par un établissement d’enseignement supérieur délivrant un diplôme préparant au concours d’accès aux corps des personnels enseignants ou d’éducation peuvent se voir confier progressivement des fonctions pédagogiques, d’enseignement ou d’éducation. » 

L’explication que vous nous en donnez ne figure pas dans la loi. C’est le commentaire qui en est fait sur le site du Ministère. On ne trouve aucune mention d’un tutorat, du temps d’enseignement et des modalités d’intervention dans le texte de la loi.

Pour finir, si comme vous l’affirmez, l’article 1 de la loi n’introduit rien de nouveau, la solution est simple, nous demandons à M Blanquer de le supprimer. Vous avez su animer dans notre Académie un dialogue social constructif et montrer votre attention aux échanges de terrain. Ce n’est pas la pratique du Ministre qui ignore les corps intermédiaires et privilégie un mode de gouvernance autoritaire et répressif. Dans ce contexte nous rappelons notre attachement à la libre expression de tous les personnels. Expression collective par l’intermédiaire des représentants des personnels, mais aussi expression individuelle et citoyenne. Les enseignant.es sont les mieux à même d’analyser le système et d’éventuellement le critiquer et donc de faire avancer leur institution.

 

Monsieur le Recteur, les personnels de l’Éducation Nationale n’ont plus aucune confiance en leur Ministre.

Vous avez jusqu’ici fait preuve d’un sens de l’écoute et du dialogue que nous souhaiterions voir décliné à tous les niveaux de notre hiérarchie.

Mais les Recteurs passent et les personnels restent. Nous ne pouvons nous reposer sur la seule attente d’une attitude bienveillante dépendant de la personne en charge du pilotage académique en lieu et place d’une politique nationale.

La confiance ne se décrète pas, elle se construit, se prouve et s’éprouve. Or cette confiance a été gravement dégradée par les manœuvres et louvoiements de Monsieur Blanquer. Ses promesses d’un retrait de l’article un n’ont pas été suivies d’effet. La façon dont l’article sur les EPSF a été introduit en catimini, sous forme d’amendements par la députée rapporteur de la loi, sans aucune concertation ni négociation préalables, sont autant d’éléments prouvant le peu de confiance que l’on peut accorder à toute allégation de ce gouvernement. À cela vient s’ajouter les réformes à venir sur le statut des fonctionnaires et la casse des instances paritaires. Seuls font foi pour nous les écrits et le texte de la loi telle qu’elle a été votée à l’Assemblée et présentée au Sénat. Nous exigeons du concret de la part du Gouvernement, pas de la communication et des éléments de langage par médias ou députés-VRP interposés.

Face à ces facteurs de méfiance voire de défiance, nous demandons au Ministre de revoir sa copie. De prouver sa fiabilité institutionnelle, sa loyauté envers ses personnels par des actes de reconnaissance et de valorisation. Une vraie augmentation des traitements, une amélioration tangible des conditions de travail sont incontournables. Le Ministre dit avoir entendu. Qu’il nous le prouve en agissant et en renouant un dialogue qu’il a lui-même mis à mal.

Nous vous remercions de l’attention que vous porterez à notre courrier et vous prions de croire, Monsieur le Recteur, à notre profond attachement au Service Public National d’Éducation.

L’intersyndicale des Alpes de Haute Provence et la Fédération des Parents d’élèves du 04 :

FSU04 ; SNUipp04 ; SNES04 ; SNEP04 ; SUD Eduction04 ; SEUNSA04 ; SGEN04 ; CGTéducation04 ; FCPE04 

 

Copie à : Monsieur le Directeur Académique des Alpes de Haute Provence, à Mesdames et messieurs les Maires des Alpes de Haute Provence, à Monsieur le Sénateur des Alpes de Haute Provence, à Mesdames les députés des Alpes de Haute Provence et aux médias.

 

Lettre du Recteur aux Maires :